Cet article vise à analyser l’interdisciplinarité telle qu’elle a été mise en pratique ou en tension sur le terrain d’un projet collectif, le GIEAN (Groupe Interdisciplinaire sur l’Électricité Atmosphérique Naturelle), ayant réuni un panel de chercheurs de disciplines différentes pour identifier d’une part les facteurs de blocages, et d’autre part les apports heuristiques et épistémologiques. Les moments de rencontres et d’échanges fournissent la plus grande partie du matériau analysé par les deux auteurs, également participants-observateurs du projet. L’article propose une triple lecture : celle de la genèse du projet, des premières rencontres et de sa formalisation institutionnelle, celle ensuite des objets d’étude, de leurs constructions par les différentes disciplines à travers lesquelles se manifestent des temporalités de recherche différentes, mais aussi des impensés implicites — ou parfois explicites — de hiérarchisation des disciplines, révélant des régimes de vérité et d’administration de la preuve scientifique différents sans être entièrement opposés. Une troisième lecture interroge enfin les effets pluriels de l’interdisciplinarité sur le projet, les disciplines, les chercheurs, mais aussi la structure de recherche qui a soutenu et accompagné le projet — en l’occurrence une Maison des Sciences de l’Homme (MSH) —, pour conduire, sous forme d’épilogue, à la manière dont a été reçu cet article par la co-porteuse du projet. De bout en bout, ce papier propose donc une écriture centrée sur les rencontres et pratiques interdisciplinaires, car si les résultats d’un projet de recherche financé sont le plus souvent publiés, les démarches, les blocages, les préjugés implicites et les apports épistémologiques — bref, tout ce qui forme la mémoire et l’infra-récit d’un projet — sont quant à eux rarement interrogés et capitalisés. Or faire de la science, n’est-ce pas aussi savoir transmettre en s’interrogeant sur ce qui est transmis ?