Domaine 1 : L'interdisciplinarité comme champ de recherche


Le projet architectural à travers une pensée croisée entre l'art et la science

Kaouthar Zair.
L’enseignement de l’architecture se présente comme un carrefour d’échange interdisciplinaire, qui ne se base pas seulement sur le volet pratique, mais qui comporte une approche théorique faisant appel aux notions et références développées dans les cours théoriques. Il se présente ainsi comme un laboratoire de recherche et d’expérimentation sur l’architecture dans son écriture extérieure et intérieure en tant que discipline intégrant la forme et l’espace, développant des approches pédagogiques interactives et complémentaires. Le choix d’un dispositif pédagogique comme prétexte pour aborder l’interdisciplinarité dans le projet architectural devrait en conséquence être bien réfléchi avec un cheminement méthodologique ciblé qui permettrait d’explorer la synergie entre architecture et ingénierie, architecture et design de l’espace, architecture et sculpture, architecture et urbanisme. Faire intervenir les spécialistes tels que plasticien, ingénieur, historien, sociologue, conservateur du patrimoine et urbaniste dans la conception d’un projet architectural ne peut qu’enrichir les connaissances de l’apprenant et développer chez lui un esprit de collaboration et d’échange.

To think of interdisciplinarity as intercurrence: Or, working as an interdisciplinary team to develop an ML tool to tackle online gender-based violence and hate speech

Cheshta Arora ; Tarunima Prabhakar.
The paper reflects on the working of an interdisciplinary team consisting of researchers and activists from the field of computer science and social sciences involved in developing a user-facing, browser plug-in to detect and moderate instances of online gender-based violence, hate speech and harassment in Hindi, Indian English, and Tamil. There have been multiple calls within the field of Human-Computer Interaction (HCI) to include qualitative methods in one’s research design. These calls, while attuned to the importance of qualitative methods for HCI, ignore the intercurrent nature of different research methods, disciplines and practices. The paper borrows the concept of intercurrence from Orren & Skowronek (1996) and reorients it to explicate the practice of interdisciplinary research. It argues that intercurrence i.e. (in between, an occurrence within an occurrence) is a useful image to perceive interdisciplinarity wherein we argue that at any given point, an interdisciplinary team navigates multiple, yet simultaneously occurring temporal dimensions of differently disciplined bodies. An awareness of these multiple temporalities adds another dimension to thinking about conflicts and possibilities emerging from interdisciplinary practices and reorients interdisciplinary research towards unexpected outcomes.

Searching for carriers of the diffuse interstellar bands across disciplines, using Natural Language Processing

Corentin van den Broek d'Obrenan ; Frédéric Galliano ; Jeremy Minton ; Viktor Botev ; Ronin Wu.
The explosion of scientific publications overloads researchers with information. This is even more dramatic for interdisciplinary studies, where several fields need to be explored. A tool to help researchers overcome this is Natural Language Processing (NLP): a machine-learning (ML) technique that allows scientists to automatically synthesize information from many articles. As a practical example, we have used NLP to conduct an interdisciplinary search for compounds that could be carriers for Diffuse Interstellar Bands (DIBs), a long-standing open question in astrophysics. We have trained a NLP model on a corpus of 1.5 million cross-domain articles in open access, and fine-tuned this model with a corpus of astrophysical publications about DIBs. Our analysis points us toward several molecules, studied primarily in biology, having transitions at the wavelengths of several DIBs and composed of abundant interstellar atoms. Several of these molecules contain chromophores, small molecular groups responsible for the molecule's colour, could be promising candidate carriers. Identifying viable carriers demonstrates the value of using NLP to tackle open scientific questions, in an interdisciplinary manner.

L’autopraxéographie, une méthode pour construire des savoirs à partir de son expérience dans une perspective complexe et interdisciplinaire

Marie-Noëlle Albert ; Nadia Lazzari Dodeler ; Marie-Michèle Couture ; Nancy Michaud.
L'objectif de cet article est d'expliquer l'autopraxeographie et de montrer comment cette méthode utilise l'interdisciplinarité pour appréhender de manière complexe les situations vécues. Cette méthode, illustrée par un exemple où elle a été utilisée, est basée sur l'expérience humaine d'au moins un des cochercheurs. Elle se situe dans un paradigme épistémologique coconstructiviste pragmatique. Elle utilise un large spectre de théories quelles que soient leurs disciplines originelles pour prendre du recul sur l'expérience vécue. Il s'agit d'un dialogue reliant le vécu, et chaque point de vue que l'on retrouve via des écrits scientifiques pluridisciplinaires, des cochercheurs, des reviewers,… Le fait de creuser ses propres expériences sans s'enfermer dans une discipline peut permettre de répondre à des questionnements disciplinaires de façon à accepter la complexité de la réalité du vécu. De plus, cette méthode, quand elle est utilisée par des étudiants dans un processus de formation continue, peut permettre de faciliter leur possibilité de devenir des praticiens réflexifs conscients de la nécessité de briser les barrières disciplinaires.

Comment penser l'interdisciplinarité en pratique ? Une question de disposition, d’indisciplinarité et de complexité

Déborah Nourrit-Lucas.
Ce texte constitue le prologue du numéro 11 du Journal on Interdisciplinary Methodologies and Issues in Science : Penser l'interdisciplinarité en pratique. L'ensemble des 10 contributions est brièvement présenté à partir des fondements qui font l'interdisciplinarité en pratique : les dispositions des chercheurs, leur posture indisciplinaire et le contexte complexe dans lequel s'opère l'interdisciplinarité.

Mélanger des concepts de biologie et d'informatique pour concevoir des lacs de données résilients

Marzieh Derakhshannia ; Anne Laurent ; Arnaud Martin.
Data lakes appeared a few years ago, introduced in particular to meet the challenges of storing and exploiting IoT data. They were first considered as a new technical and commercial tool, sold by the main database software editors. More recently, they have become the subject of research, in particular to define what a data lake should be, what it should provide in terms of services, and how it should be built. In this work, we have tried to return to the origins of data lakes, starting from the name “lake”. We present here how we worked, between biologists and computer scientists, to understand the links between natural and data lakes. In this article, we first explore the links between the disciplines of biology and computer science before declining these links for the particular theme of lakes. This could appear as a work of transferring knowledge from biology to computer science, and a “simple” application of the concepts. However, we had to interact and understand each other’s concepts and issues to align a possible comparison between the disciplines, for example to determine at what scale to establish the biological comparison, from DNA to the more macro system of the animal and plant ecosystem present in a natural lake. For this reason, we are inspired by a hybrid method based on ecological and logistical network topology to propose the resilient structure for the data lake. Thus, we use the Ecological Network Analysis (ENA) as a bio-inspired method and Graph […]

La science ensemble : pratique de l’interdisciplinarité au sein d’un projet d’observatoire de l’habitat du futur

Guillaume Alévêque ; Anne Laurent ; Thérèse Libourel Rouge ; Déborah Nourrit-Lucas.
Cet article propose l'observation ethnographique et l’analyse interdisciplinaire d’un projet scientifique constitué d’une diversité de disciplines autour de la thématique de l’habitat du futur. Matérialiser par un appartement truffé de capteurs habité à l’année (universitaire) par deux étudiants volontaires et sélectionnés, la collaboration entre les chercheurs y prend une forme originale qui permet de réévaluer ce que représente l’Interdisciplinarité au sein de la recherche scientifique contemporaine. Fait social complexe, elle devient elle-même un objet sur lequel les acteurs projettent des stratégies et des attentes à la conjonction des multiples dimensions qu’elle sous-tend aussi comme organisation de la collaboration, méthodologie, perspective de résultats et incitation institutionnelle ambivalente.

Pourquoi l’interdisciplinarité qui souvent s’impose d’elle-même, est-elle si difficile à être reconnue comme fondamentale ? Retour sur une expérience personnelle

Blandine Bril.
Il y a vingt ans paraissait dans le journal du CNRS une page intitulée « La perle de la pluridisciplinarité », jeu de mots sur l’expérimentation menée avec des artisans tailleurs de perles de cornaline dans un atelier de la ville de Cambay, en Inde (état du Gujarat), réalisée par un petit groupe de cinq chercheurs venant d’institutions différentes et représentant plusieurs disciplines : archéologie, psychologie, biomécanique et neurosciences. Cet article retrace les différentes facettes de cette expérience interdisciplinaire analysant la manière dont se construisent les questionnements, les collaborations, les rapports entre chercheurs, les questions de financement et de publications, ainsi que les difficultés ou incompréhensions que suscitent de telles approches alors que le découpage disciplinaire reste souvent la norme.

L’interdisciplinarité dans tous ses états : une approche complexe, floue et interalogique

Déborah Nourrit-Lucas ; Guillaume Aleveque ; Anne Laurent ; Thérèse Libourel Rouge.
Le rapprochement voire la collaboration entre les disciplines scientifiques s'impose comme le moyen privilégié pour comprendre la complexité des objets questionnés dans les projets de recherche. Dans cet article, nous recensons les différentes définitions données aux formes d’interaction entre disciplines depuis 1972 et la publication pionnière de Interdisciplinarity: problems of teaching and research in universities. Il apparait que la rigidité normative des définitions, ainsi que leur multiplication, rendent difficilement compte des nuances et des dynamiques de la collaboration au sein des projets scientifiques qui dépassent les frontières disciplinaires. Néanmoins, c’est un dialogue entre théorie et pratique enrichissant que nous chercherons à initier, aussi bien pour l’étude que pour la méthodologie de l’interdisciplinarité, en proposant d’aborder la gradualité de tels contextes par un croisement entre psychologie expérimentale, anthropologie et sciences de l’informatique. Nous envisagerons ainsi des pistes de modélisation en exploitant notamment les fondements de la théorie des sous-ensembles flous apparue dans les années 60 pour la formalisation mathématique des objets aux contours flous. Cela nous conduira à envisager la question de l'interdisciplinarité et de toutes les formes de collaborations à partir d'une logique floue à inscrire dans le champ plus large de ce l'on pourrait nommer la science de l'inter-: l'interalogie.

Le dialogue interdisciplinaire clarifie l'enseignement disciplinaire

Olivier Morizot ; Morgane Bascaules ; Mariann Chrétien ; Johanna Tonussi- Reboh ; Guillaume Tonussi ; Camille Noûs ; Florence Boulc'H.
Depuis 2019, au sein de l’Institut de Recherche sur l’Enseignement des Sciences d’Aix-Marseille Université, nous animons un atelier visant à explorer des solutions aux difficultés régulièrement rencontrées dans l’enseignement interdisciplinaire. Cet atelier réunit à intervalles réguliers six enseignants de disciplines différentes — de l’université et du lycée — auxquels est simplement donné le temps de présenter et expliquer les uns aux autres les spécificités de la discipline qu’ils enseignent, à l’aide d’une grille catégorielle élémentaire, guidant l’analyse et permettant la comparaison. Or, nos premières conclusions indiquent que le premier bénéficiaire de ces rencontres interdisciplinaires est l’enseignement disciplinaire lui-même. De fait, ce travail introspectif et collectif a fait émerger des implicites fondamentaux spécifiques ou communs à ces disciplines dont les enseignants n’avaient pas conscience ; qu’ils n’avaient jamais partagé avec leurs élèves ; et qu’ils ont identifié comme la source de difficultés jusque-là inexprimables rencontrées par nombre d’entre eux. L’hypothèse défendue ici est donc que — par effet d’analogies et de contrastes — le dialogue interdisciplinaire peut être un formidable outil de renforcement et de clarification de l’enseignement disciplinaire, qui pourrait jouer un rôle clé dans la formation des enseignants.